Sur la route de Machhad, ville sainte parmi les saintes des musulmans chiites, l’Orange Bleue a recommencé son strip-tease

et j’ai trouvé ombre et fraîcheur dans un garage spécialisé dans la vidange de poids-lourds où, tirant ma gourde du panier, je me suis mis à boire goulûment.

– » Alcohol, alcohol, » se sont écriés en cœur les occupants de l’atelier !

-«  Tiens, j’ai du tomber sur des fondamentalistes » ai-je pensé avant de faire couler un peu d’eau tiédasse sur mon avant bras et de leur affirmer «  me, no alcohol, no tobacco and currently no woman« , ce qui a aussitôt entrainé leur hilarité et leur compassion.

En fait j’étais tombé sans le savoir dans un garage tenu par des…

ce qui démontre que même en Iran, ou l’alcool est prohibé et sa consommation sévèrement réprimée, il est possible d’en user et même d’en abuser.

Nous nous sommes quittés les meilleurs amis du monde

mais, pour autant, sans que j’aie pu faire réparer ma monture, ce qui fut fait le lendemain à Nichapour, dernière étape avant la Lourdes des chiites, grâce à un schéma électrique transmis par Jean Burdet (les alcooliques anonymes avaient arraché les cosses du feu avant du garde-boue !), traduit par moi en anglais et retraduit en farsi par la réceptionniste au mécanicien-électricien-homme-à-tout-faire de l’hôtel venu m’aider:

Machhad, tombeau de l’imam Reza, écrin de la mosquée de la reine Gohar Shad, ville où les non musulmans sont tolérés mais pas jusqu’à leur permettre d’approcher le mausolée de l’imam ceint de grilles d’argent dont un effleurement de la main vous assure du paradis d’Allah.

 

A l’entrée de l’enceinte sacrée l’on m’a fait déposer mon petit Leica au vestiaire mais, curieusement, laissé mon smartphone, et le préposé aux palpations de sécurité m’a demandé:
-« Muslim ? »

-« Muslim ! » lui ai-je rétorqué avec le sourire mais d’un air qui ne souffrait pas la discussion, du moins en farsi

et c’est comme ça que, dans une épouvantable odeur de pieds, je me suis mêlé à mes nouveaux coreligionnaires pour me frotter à la moitié du mausolée sacré ( l’autre moitié étant réservée aux femmes) et m’assurer ainsi une place au paradis.*

Mais même fanatiques les Iraniens restent aimables : le préposé aux chaussures, en échangeant les miennes (heureusement dans un sac plastique !) contre le jeton qu’il m’avait remis, m’a fait ce petit cadeau :

 

 

De retour à l’hôtel j’ai relu le passage où Robert Byron raconte que, pour faire la même chose en 1934, son ami Christopher Sykes et lui avaient dû se passer le visage au charbon et se déguiser en pèlerins persans avant de se faire guider par un ami autochtone qui, pour donner le change, leur parlait bien fort en farsi.

Au moins ma conversion express m’aura-t-elle évité le bouchon brûlé…

 

Beh Behr

 

• « Paradis » viendrait d’un mot persan qui signifie jardin…