Si vos compliments sont de nature à flatter mon orgueil, le voyage, lui, se charge de me ramener à une plus saine modestie.

Alors que je revenais tout juste du Cap Nord et que je me reposais dans un hôtel tristounet d’ Honninsvag un Allemand d’une cinquantaine d’années, parlant un français parfait et sans accent (il m’apprendra plus tard que son lointain ancêtre avait traduit en allemand le Code Napoléon pour en faire le Bürgerliches Gesetzbuch, le Code civil allemand), m’a félicité et invité, si je passais par Munich au retour, à faire étape chez lui. C’était un motard, propriétaire d’une Royal Enfield Bullet « Trial » qu’il rêvait d’atteler pour rouler sur les routes enneigées de la forêt bavaroise.

J’ai chaleureusement décliné son invitation mais, non moins chaleureusement, approuvé son projet, affirmant, fort de mon expérience, qu’il était impossible d’atteindre le Cap Nord sur deux roues et qu’un sidecar était indispensable.

Or, le lendemain, à quelques dizaines de kilomètres du Cap Nord, voici ce qui m’est apparu

puis

C’était un jeune couple

parti de Pologne, chacun sur sa moto solo cloutée et chaînée, et se rendant paisiblement au Cap Nord.

Ils y parviendraient bientôt.

« Pourvu qu’ils ne croisent pas l’Allemand ! » me dis-je, un peu honteux.

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Le lendemain, roulant vers la Finlande, j’aperçus un parc à rennes sur le bord le la route.

M’arrêtant un peu plus loin je voulus faire demi-tour pour l’examiner de plus près mais, au lieu de faire comme tout bon sidecariste un demi tour autour du panier, ce qui permet de tourner quasiment sur place mais oblige à se déporter complètement à gauche, je restai sur ma droite et fis un demi-tour autour de la moto et ce qui devait arriver arriva

la chaussée, relativement étroite, n’avait pas d’accotements et la roue du panier s’enfonça dans la neige.

Seul, impossible de remettre cette roue sur la chaussée.

Et pas une voiture à l’horizon…

Au bout d’un quart d’heure un premier véhicule avec, à son bord, quatre hommes en uniforme noir (?) n’a pas réagi à mes grands gestes et a continué son chemin…

Dix minutes plus tard j’ai inspiré suffisamment de pitié, à un jeune couple, d’abord, puis à un conducteur solitaire, pour que les deux hommes, joignant leurs forces à ma faiblesse (mais je contrôlais le moteur), arrachent l’Orange Bleue à son fossé

Je ne saurai jamais leurs noms mais leur serai longtemps reconnaissant.

Tout cela méritait bien « a good cup of tea ».

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Enfin avant-hier, arrivant à Overkalix, en Suède, un jeune Italien me demanda si je venais pour l’Ultra Trail appelé « Montane Lapland Arctic Ultra » dont le départ devait avoir lieu le lendemain matin devant l’hôtel où j’étais descendu.

–« Oh, c’est simple, » me dit l’italien, « l’épreuve consiste, pendant dix jours et 500 kilomètres, à faire une course, à vélo ou à pied, aux alentours du cercle polaire. »*

–« Dix jours, non je n’aurai pas le temps, et puis si ma moto ne tourne pas pendant dix jours, avec des températures nocturnes à moins 12°C, la batterie risque de se décharger… »

De fait, le lendemain, prenant mon petit déjeuner avec mes trois couches sur le dos, je vis à la table d’à côté des messieurs en T-shirts dont la musculature saillante n’était pas encombrée de tissus adipeux.

A 9h30 je les revis sur la ligne de départ

Aux vélos,

aux hommes trainant des traineaux,

et même à un chien trainant un homme trainant un traineau !

A côté d’eux (et d’elle !)

ma balade en moto au Cap Nord c’est un peu les délices de Capoue.

Alors…restons modeste !

Bébert le sybarite

* Pour ceux qui voudraient s’y inscrire : https://lapland.arcticultra.de/